Qu’en est-il si nous réconcilions la physique quantique ou la théorie de la relativité restreinte et l’art ? Notre notion de l’espace et du temps implique des changements essentiels dans la pertinence des propositions artistiques.
En physique quantique, le temps n’existe pas ; mais l’idée de la durée, si. Toutes les durées sont différentes, et l’astrophysique, la physique des particules, les rayons cosmiques, la navigation spatiale, la télécommunication spatiale et le GPS, ou encore le Shinkansen, le prouvent. Par exemple, si des horloges sont installées à chaque étage d’un immeuble, elles n’indiqueront pas le même temps, à quelques centièmes de secondes près ; et, bien sûr, cela ne nous empêchera pas de nous organiser au quotidien, puisque les différences seront minimes. Le philosophe François Dagognet propose de « puiser au-dehors pour nourrir le dedans », et cela doit s’appliquer à l’art afin de ne plus s’appuyer sur des idées reçues pour établir des orientations esthétiques. L’astrophysicien Aurélien Barrau explique dans sa conférence « Au-delà de la relativité générale » qu’Einstein avait compris qu’il n’y a pas d’opposition entre le contenant et le contenu, contrairement à ce que pensait Isaac Newton. Cette feuille de route implique d’emblée que les arts ne peuvent décemment nier l’apparence sans risquer de se fondre dans une forme d’obscurantisme. Ainsi, la physique nous informe que l’« apparence ne cache pas l’essence, elle la révèle : elle est l’essence », comme le préconisait Jean-Paul Sartre (1) ou le travail de Sonia Delaunay.
Que sommes-nous dans ce schéma ?
L’espace-temps est une quantité dynamique, et cela implique que si vous souhaitez savoir qui vous êtes, vous n’êtes pas un instant donné, mais plutôt une courbe. L’être est à lire dans la durée, il est une histoire : cela ferait sans doute plaisir à Jacques Derrida pour qui tout est écriture. Emmanuel Kant, à ce propos, s’est trompé en écrivant que « le temps n’est pas un concept parce qu’il n’est pas la simple représentation d’un caractère commun à une multitude, mais qu’il contient en soi une multitude de représentations, en ce sens il s’agit d’un universel d’un genre particulier […] une grandeur infinie ». (2) Marcel Proust, quant à lui, a intégré le temps comme un phénomène extensible ; pour lui, le passé et le présent sont en lien. Dans À la recherche du temps perdu, il évoque ses souvenirs affectifs qui interfèrent sur le présent. L’être est une ligne d’univers, il se compose d’une multitude de points. Il n’y a plus matière à éluder le passé, le présent et le futur si nous souhaitons nous rapprocher du vrai. L’art doit s’inscrire dans l’intemporalité et créer des phénomènes qui se transforment dans l’imaginaire du regardeur. Les implications dans l’art sont importantes. Quelles sont les œuvres qui concilient l’implication des champs de la physique quantique ou de la théorie de la relativité restreinte avec l’art ? La physique quantique met en péril le temps, donc l’art moderne, l’art engagé, l’artivisme et la peinture d’histoire notamment. Toutes ces tendances ignorent l’intemporalité. Seules les œuvres intemporelles apportent de la cohérence à cette conciliation. Ainsi, si nous réconcilions le temps entre l’art et la théorie de la relativité restreinte, alors l’intemporalité est de mise, comme dans les œuvres du peintre Henri Fantin-Latour qui n’a pas cherché à être en phase avec son temps. Son art ne navigue pas sur l’actualité, mais s’inscrit dans une démarche intemporelle.
Nos espaces de vie
L’espace n’est pas clairement défini en physique quantique : il est le fruit d’une projection, et c’est en révélant nos imaginaires que nous pouvons créer des espaces de vie (3).
Guillaume Bottazzi - 31/03/2023
Cf : Guillaume Bottazzi et la joie d’habiter
(1) Jean-Paul Sartre, L’Être et le néant.
(2) Martin Heidegger, Interprétation phénoménologique de la « Critique de la raison pure » de Kant
(3) Guillaume Bottazzi, Guillaume Bottazzi et la joie d’habiter.
(1) Jean-Paul Sartre, L’Être et le néant.
(2) Martin Heidegger, Interprétation phénoménologique de la « Critique de la raison pure » de Kant
(3) Guillaume Bottazzi, Guillaume Bottazzi et la joie d’habiter.