Les mots nous induisent en erreur


Les mots nous induisent en erreur ; plus précisément, ils nous induisent à mal comprendre notre mécanisme.

« Les mots nous éloignent des choses », disait le philosophe Henri Bergson. Ainsi, les mots nous induisent en erreur et nient la compréhension de nous-mêmes. Ils ne sont pas le produit du réel, mais sont créés par l’homme ; ils sont le fruit d’une prédiction ou d’une projection. Les mots sont une fiction.

Par exemple, nous avons inventé des mots comme « désir », « amour » ou encore « beau ». Cependant, le neurobiologiste Semir Zeki explique bien que, dans ses expériences de la reconnaissance du beau, l’observateur emprunte des zones dans son cerveau qui sont les mêmes. Si notre système cérébral ne distingue pas ces expériences, c’est parce qu’elles sont les mêmes ; autrement dit, le désir ou l’amour, ou encore le beau ont les mêmes implications cérébrales.

Pour le sociologue Pierre Bourdieu, la science ne peut pas expliquer le plaisir que procurent les couleurs, mais plutôt leurs structures. C’est une erreur de sa part, parce que la neuroesthétique permet aujourd’hui de comprendre comment et pourquoi les couleurs agissent sur le regardeur.

Nos connaissances sur ce mécanisme génèrent un changement profond dans l’art, qui, tant attendu par une communauté artistique qui ne se renouvelle pas, permettra dans le futur de regarder une œuvre pour ce qu’elle produit, et non pas pour ce qu’elle est. Je rêve d’un monde qui ne soit plus un frein pour l’art, car l’art est aujourd’hui soumis aux implications stratégiques des politiques menées, qui réduisent son champ de portée. Je rêve d’un art qui n’induirait pas à diviser le monde, afin de permettre à certains de se revendiquer comme appartenant à une catégorie sociale dominante ou dominée.
Je rêve d’un monde qui présenterait les œuvres dans des hôpitaux, dans des organismes de santé et dans notre quotidien, afin de permettre à tous de bénéficier de ses bienfaits…

Par exemple, nous savons aujourd’hui que, quand on regarde une œuvre que l’on trouve belle, elle active des zones-miroirs qui sont les mêmes que celles activées lorsque l’on regarde une personne que l’on aime vraiment. Autrement dit, s’entourer d’œuvres d’art que l’on aime permet d’atténuer le sentiment de solitude. Cela implique que l’art n’est pas quelque chose d’anodin, qu’il peut être un facteur d’équilibre psychique.

Ainsi, l’art est un puissant vecteur pour se construire, se recréer et se retrouver : l’art doit renouer avec le beau. Ce beau ne trouve pas son essence en lui-même, mais à travers les effets produits sur les gens. Et ceci afin de générer un monde amélioré qui induit à la paix et à l’amour, mais aussi qui génère du plaisir, qui contribue à développer nos capacités cognitives et notre aptitude à gérer les difficultés de la vie, à prendre du recul sur les choses, à nous renforcer, à équilibrer notre psychisme, à devenir plus forts, plus créatifs, plus élégants, plus vertueux, plus sociables, plus aimables, plus aimants…   

 Guillaume Bottazzi